Vers un retour du préjudice automatique en droit du travail ?
Par le passé, la Chambre sociale de la Cour de cassation considérait qu’un grand nombre de manquements de l’employeur causait nécessairement un préjudice au salarié.
Le salarié pouvait donc obtenir une indemnisation en se contentant de relever le manquement de l’employeur ; ainsi par exemple, il en était ainsi en cas d’absence d’une visite médicale obligatoire.
Cette jurisprudence s’inscrivait à l’encontre des règles applicables aux indemnisations, qui nécessitent en principe la preuve d’une faute, d’un préjudice et d’un lien de causalité entre la faute et le préjudice.
Par un arrêt de 2016, la Chambre sociale de la Cour de cassation a semblé revenir sur sa jurisprudence en affirmant qu’il appartenait au salarié de prouver l’existence d’un préjudice effectif découlant du manquement dénoncé ; la Haute Juridiction précisant qu'il appartenait aux juges du fond (conseil de prud’hommes et cour d’appel) d’apprécier souverainement l'existence et l'évaluation de ce préjudice (Cass. soc. 13-4-2016 n° 14-28.293).
Il semblait donc s’agir de la fin de la notion de « cause nécessairement un préjudice » ; et ce d’autant plus que, cette position de 2016 a ensuite été confirmée à plusieurs reprises.
Néanmoins, ces dernières années, et surtout ces derniers mois, cette notion semble de nouveau revenir en force même si elle ne semble pas générale et absolue.
Il apparaît donc que le « préjudice automatique » n’a jamais été réellement abandonné mais qu’il a été simplement limité à certains manquements.
Ainsi par exemple, la Cour de cassation a affirmé dans un arrêt de 2023 que « le seul constat du dépassement de la durée maximale de travail ouvre droit à la réparation » (Cass. soc. 11-5-2023 n° 21-22.281 FS-B ; Cass. soc. 27-9-2023 n° 21-24.782 F-B).
Par quatre arrêts du 4 septembre 2024, la Cour de cassation retient également cette position dans l’hypothèse par exemple où un employeur fait travailler un salarié pendant son arrêt de travail pour maladie ou congé maternité (n°22-16.129), ou par exemple encore, en cas de non-respect du temps de pause quotidien (20 minutes toutes les 6 heures - n°23-15.944).
En revanche, cette notion de « cause nécessairement un préjudice » a réellement été abandonnée pour certains manquements qui autrefois permettaient d’obtenir automatiquement une indemnisation.
C’est ainsi par exemple que dans l'un des 4 arrêts de septembre 2024 précités, la Cour de cassation confirme que le non-respect des règles applicables au suivi médical et aux visites de reprises n’est pas suffisant pour prouver l’existence d’un préjudice ; il appartient au salarié de prouver concrètement le préjudice subi, dont l’évaluation relèvera de l’appréciation souveraine du Conseil de prud’hommes ou de la Cour d’appel (n° 22-16.129).
Par conséquent, il semble donc qu’il faille désormais distinguer entre les manquements qui causent nécessairement un préjudice et les manquements qui nécessitent pour obtenir indemnisation de prouver concrètement les contours dudit préjudice…
En tout état de cause, même dans les hypothèses où le préjudice découle nécessairement du manquement, il appartient dans les faits au salarié de prouver la réalité et les contours de son préjudice, s’il ne veut pas obtenir une réparation très « modeste » dudit préjudice…
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